Vous arrive-t-il souvent d’être obsédé par un problème?

Nasreddine Hodja veut se rendre au marché. Le chemin est long et il se fait vieux. Le mieux est donc qu’il s’y rende à dos d’âne. Le sien étant mort, il décide d’emprunter celui de son frère. Chemin faisant, Nasreddine se met à réfléchir à la meilleure manière de présenter sa demande. Il craint que son ne frère refuse de lui rendre ce service. Nasreddine se met alors à anticiper les prétextes auxquels son frère pourrait recourir pour lui refuser cette faveur. En peaufinant ses objections, Nasreddine s’emballe peu à peu. La conversation imaginaire tourne à la dispute. Les arguments cèdent le pas aux reproches. Lorsqu’il arrive enfin en vue de la maison de son frère, Nasreddine l’aperçoit tranquillement assit sur son porche. Au lieu de le saluer, il l’apostrophe brutalement: « Tu peux le garder ton âne, vieil égoïste! De toute façon il boîte ».

Cette savoureuse histoire du folklore turc illustre à merveille la manière dont nous pouvons perdre toute lucidité en dramatisant une situation. Ce que la Clarification appelle « dramatisation » est une processus d’autodestruction psychique qui survient dans certaines situations de crises qui nous paraissent insolubles.

Le Mental est le meilleur des serviteurs mais le pire des maîtres

Lorsqu’il est manié avec suffisamment d’habileté et de fermeté, le mental est un outil puissant à l’aide duquel nous surmonterons bien des obstacles. Tel un génie des mille et une nuits, il comblera les plus audacieux de nos désirs. Mais pour peu qu’on lui lâche la bride, le mental est prompt à renverser les rôles. C’est lui alors qui domine nos vies. Submergé par un flot incessant de pensées, nous perdons la faculté de distinguer le vrai du faux. Notre cerveau s’emballe. Nous devenons soupçonneux, paranoïaques, hystériques…

Appuyez sur pause

Le premier critère nous mettait au défi de « penser une pensée ». Le septième nous propose presque de faire le contraire. Il s’agit à présent de mettre un frein au flux ininterrompu de nos cogitations. En pleine tempête émotionnelle, nos pensées ne nous sont plus d’aucun secours. L’urgence n’est pas de réfléchir davantage. Il s’agit plutôt de prendre du recul pour se donner les moyens de voir le problème sous un angle différent.

Une vieille légende alsacienne raconte qu’un roi était souvent en proie à de violents accès de mélancolie. Il promit une récompense à celui qui se montrerait capable de le faire instantanément passer de la tristesse à la joie. Les médecins les plus savants du royaume se mirent aussitôt au travail. Mais ils eurent beau se creuser la cervelle, leurs efforts restèrent vains. Le roi perdait espoir quand survint un jeune inconnu. « Sire », lui dit-il, « Rien ne dure sur cette terre. Les bons jours passent mais les mauvais aussi. » Enchanté, le roi couvrit son sauveur de richesses. 

Revenir au présent

Le mental ignore le temps. Il n’existe à ses yeux aucune frontière entre le passé, le présent et le futur. L’origine de nos inquiétudes ne se trouve donc pas uniquement dans nos difficultés immédiates. Nos émotions actuelles font tout autant écho aux traumatismes de notre passé qu’à notre angoisse de l’avenir. Cette confusion temporelle favorise notre tendance à la dramatisation.

Quelques moyens pratiques

Il existe quelques moyens simples d’émerger de la dramatisation. Le plus évident consiste à tenter de vivre dans le présent. Le simple fait de ramener régulièrement notre conscience à ce que nous sommes en train de vivre, est susceptible de nous procurer un certain apaisement. Si nous nous promenons en ville, il nous est par exemple possible de porter notre attention sur nos sensations physiques et de profiter pleinement du spectacle de la rue: l’architecture des bâtiments, la physionomie des passants, les changements incessants de la lumière…

Un autre moyen efficace de couper court à l’engrenage sans fin des émotions et des pensées consiste à nouer des relations durables et profondes avec ses semblables. Des sentiments tels que l’amour et l’amitié favorisent notre équilibre mental et émotionnel. A l’inverse, la solitude et l’inactivité s’avèrent souvent néfastes. Isolé, coupé de la réalité, nous marinons dans les remugles de nos craintes et de nos ressentiments. Il est inévitable que nous finissions par perdre pied.

Au fil des siècles, certaines cultures ont mis au point des techniques telles que le yoga ou la méditation pleine conscience. En prenant appui sur ces techniques, les êtres humains trouvaient la force de surmonter les épreuves de l’existence en gardant le coeur ouvert.

Jean-Christophe Vidal

*Desimir Ivanovic est le premier représentant de la Clarification dans le monde. Il a mené un travail important d’enrichissement et de systématisation des concepts et des outils de la Clarification. Il a formé Jean-Christophe Vidal qui est aujourd’hui son continuateur dans le monde francophone.

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