La mission du coach est d’accompagner ses clients dans la résolution de leurs problèmes. Son plus grand défi consiste à poser le bon diagnostic. En cas d’erreur, l’accompagnement ne produira pas les résultats escomptés. Le coach sera déçu et le coaché mécontent.
Comprendre ou interpréter: il faut choisir
Le coach court toujours le risque d’interpréter les paroles du coaché au lieu de les comprendre. Ce faisant, il s’expose à faire des contresens. Le meilleur moyen de ne pas faire fausse route consiste à laisser au coaché le soin d’identifier lui-même problème. Or c’est précisément ce qu’il a du mal à faire. Pour sortir de cette impasse, la Clarification fourni au coach des outils puissants qui permettront au coaché de se faire comprendre pleinement et discerner la véritable nature de sa difficulté.
Le cas de Valérie
Valérie est une quadragénaire dynamique. Elle est directrice financière d’un grand groupe. Lors de notre première rencontre elle m’explique qu’elle souhaite changer de vie car elle a « cessé de progresser » au sein de son entreprise. Dans sa jeunesse, elle est partie six mois en Afrique pour travailler dans un orphelinat. Cette expérience pleine de sens l’avait comblée et elle s’était promis de revenir travailler dans ce secteur dès que sa carrière se heurterait au fameux « plafond de verre ».
Valérie exprime clairement son souhait de s’engager dans une ONG. Elle demande à se faire accompagner dans ce projet. Sa voix est assurée. Elle ne montre aucun signe d’hésitation. C’est une idée ambitieuse et généreuse. J’ai la tentation de lui emboiter le pas sans lui poser de questions. Seul le sentiment de ne pas avoir complètement compris sa situation me retient encore d’aller dans son sens :
« –Pouvez-vous me précisez ce que vous entendez par « Je ne progresse plus » ?
–D’autres personnes s’attribuent mon travail. C’est insupportable.
–Pouvez-vous précisez le sens de cette phrase : « d’autres personnes s’attribuent mon travail ? » De qui s’agit-il ?
–Mon chef ! C’est mon chef qui s’attribue mon travail ! » Valérie se alors met à pleurer.
Cette émotion soudaine me révèle clairement la vraie nature du problème de Valérie.
Le test de l’enfant de 9 ans
La Clarification insiste sur la nécessité de comprendre complètement le coaché. Aucune approximation n’est acceptable. S’il veut pouvoir aider son client, le coach ne peut pas s’offrir le luxe d’interpréter ses propos.
Comme disait Einstein, vous savez que vous avez compris un sujet lorsque vous pouvez l’expliquer à un enfant de 9 ans. Il existe donc un critère simple pour savoir si le coach a compris le coaché. Le coach doit pouvoir expliquer le vécu du coché à un enfant de 9 ans en employant uniquement les mots utilisés par le coaché. Pour cela, le clarificateur fait préciser sa pensée au coaché qui transforme ses formulations abstraites en mots concrets qui échappent à toute interprétation et sont compréhensibles par tous.
Lorsque Valérie me confie par exemple qu’elle ne « progresse plus dans son travail », elle reste bien trop vague. Ce qu’elle me dit ne me permet pas de me faire une idée précise de son vécu.
A ce stade, je n’ai pas d’autre solution que de reformuler ses propos. Je peux imaginer qu’elle : « plafonne hiérarchiquement », ou qu’elle « a fait le tour de son job et commence à s’ennuyer » ou encore que « son salaire est trop bas ». Ces interprétations sont astucieuses mais la vérité, c’est que je n’ai pas vraiment compris ce que Valérie avait à me dire.
Oser paraître « lent & bête »
En dépit de ma longue pratique de la Clarification, j’ai hésité à demander ce que Valérie entendait par : « je ne progresse plus ». Je voulais lui donner l’impression que je la comprenais à demi-mots.
Elle paraissait tellement sûre de son choix. Ses propos étaient limpides. Ils semblaient pouvoir se passer de toute explication. Le « plafond de verre » est malheureusement une réalité subie par de nombreuses femmes. A quoi bon vouloir insister ? Je craignais de paraître bête et lent.
Pour paraître rapide, intelligent et empathique, il m’aurait suffi de regretter sincèrement l’existence de cet injuste « plafond de verre ». J’aurais ensuite répondu à la demande explicite de Valérie en orientant l’entretien sur son projet de changement de vie. Cela aurait cependant été une grosse erreur.
J’ai heureusement eu la présence d’esprit de rester fidèle au principe fondateur de la Clarification : comprendre complètement le coaché.
« Vous pouvez préciser? »
La rapidité avec laquelle Valérie a fondu en larmes m’a surpris. Il a suffi que je répète deux fois une instruction très simple (« Vous pouvez préciser ? ») pour faire lever chez elle une émotion très forte. C’est à ce moment-là que la séance a basculé. Voilà qui montre toute l’efficacité de ce type d’intervention.
« Vous pouvez préciser ? » La puissance de cette demande tient au fait qu’elle est très ouverte. Elle donne au coaché la liberté de choisir la façon dont il va préciser sa pensée. Laissé à lui-même, il va naturellement aller à l’essentiel en partageant ce qui lui tient le plus profondément à cœur. Ce faisant, il prend la responsabilité de partager avec le coach ce qu’il considère être le plus important et le plus pertinent. C’est ainsi que le coaché progresse et grandit en autonomie.
Invitée à préciser ce qui se cache derrière une formulation aussi vague que : « je ne progresse plus », Valérie doit se confronter à la souffrance qu’elle éprouve en voyant que d’autres s’attribuent son travail. Il ne reste plus qu’à lui demander d’identifier les « autres » en question. Il s’agit en l’occurrence de son chef. Nous avons alors mis le doigt sur le vrai problème de Valérie : ses difficultés relationnelles avec son chef.
C’est au coché d’identifier lui-même son problème
Il est fréquent qu’en début de séance, le coaché soit incapable d’identifier son vrai problème. Il le confond facilement avec ses symptômes. S’il n’y prend garde, le coach peut lui emboîter le pas. Cela l’amènera à poser un mauvais diagnostic.
Dans notre exemple, Valérie pensait qu’elle voulait changer de vie parce qu’elle avait cessé de progresser professionnellement. En réalité cette situation n’était que la conséquence de son vrai problème.
Fort de cette nouvelle compréhension, j’ai proposé à Valérie de commencer par clarifier complètement sa relation avec son chef. Libre à elle de décider ensuite s’il était toujours utile de transformer sa vie de fond en comble.
Valérie n’est finalement jamais partie pour l’Afrique. Après avoir clarifié ses relations avec son chef, elle a décidé de démissionner pour rejoindre un nouveau groupe qui lui a immédiatement accordé une promotion.
Jean-Christophe Vidal
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