La Clarification se fonde entièrement sur l’écoute sans jugement. Cette posture est plus facile à énoncer qu’à incarner. L’étude de cas suivante se propose de montrer de manière concrète et incarnée quelques-uns des obstacles que le coach aura à surmonter. Un coach débutant, nous l’appellerons Arthur, accompagne une cadre supérieure du nom de Sophie.
Directrice financière d’une célèbre association caritative, Sophie est en butte aux critiques abusives de sa supérieur hiérarchique. Elle décide d’en parler en coaching.
Un dérapage classique
Arthur constate avec inquiétude que Sophie a une perception très critique de sa cheffe. Elle relève impitoyablement ses défauts et lui prête les pires intentions. Elle semble parfois à la limite de la paranoïa. Arthur s’inquiète. La séance avance. Il voudrait que Sophie prenne un peu de recul vis-à-vis de sa situation. Celle-ci se montre cependant tellement négative qu’il craint de voir s’achever la séance sur un constat d’échec.
Arthur cède alors à la tentation de recadrer Sophie. Il le fait avec beaucoup d’objectivité et de retenue. Il lui conseille de ne pas dramatiser et de ne pas oublier les aspects positifs de sa situation.
Son intervention n’a pas du tout l’effet escompté. Sophie se ferme. Même s’il est évident qu’elle n’a pas fait le tour de sa situation, elle change abruptement de sujet. Arthur a le sentiment d’avoir fait une erreur et aborde la question en supervision.
C’est un classique du métier. Les coachs s’y voient régulièrement confrontés. L’initiative d’Arthur semble à priori totalement justifiée : Sophie dramatise effectivement la situation. Ce faisant, elle se fait du tort à elle-même. Elle s’éloigne de la solution qu’elle est venue chercher. Il n’empêche que l’intervention d’Arthur s’est avérée complètement contreproductive.
L’émotion du coaché est une aide, pas un obstacle
Lorsqu’elle parle de sa relation avec sa cheffe, Valérie se laisse complètement emporter par ses émotions. Au risque de surprendre, la Clarification ne considère pas qu’il s’agît d’une mauvaise chose. L’émotion constitue en effet une base de travail. Elle constitue un signal d’alerte qui nous avertit de l’existence d’un non-dit. Grâce à elle, le coach sait qu’il existe un aspect de la situation auquel Sophie est incapable de se confronter et dont elle ne peut par conséquent pas parler.
Au lieu de vouloir dissiper cette émotion, Arthur devrait par conséquent encourager Sophie à la vivre pleinement ce qui déboucherait sur la verbalisation de ce non-dit.
La conscience de soi: une condition sine qua non
Encore faudrait-il qu’Arthur soit capable de rester en contact avec son propre ressenti. Or s’il prend plus ou moins conscience de l’amertume et de l’inquiétude de Sophie, il ne s’aperçoit pas à quel point l’attitude de sa coachée le déstabilise. Ce n’est qu’en supervision qu’Arthur réalisera la nature et l’ampleur de ses propres réactions. Voici ce qui s’est passé :
Le fait que Sophie s’obstine à concentrer toute son attention sur les défauts de sa cheffe et les aspects néfastes de leur relation fait naître chez Arthur la pensée suivante : « Elle oublie de mentionner les aspects positifs de sa situation » Ce constat soulève chez lui une inquiétude qui fait à son tour surgir une nouvelle pensée : « Si elle ne parvient à prendre suffisamment de recul, elle ne pourra tirer aucun bénéfice de cette séance. Cette crainte fait jaillir l’idée suivante : « Si j’étais un bon coach, je devrais pouvoir trouver les paroles justes pour briser le cercle vicieux dans lequel elle s’enferme. » C’est à ce moment-là que la tension d’Arthur atteint son paroxysme.
Plus Arthur se laisse parasiter par ses pensées et ses émotions et moins il se montre capable d’écouter Sophie avec une réelle attention. Il se coupe d’elle. Ce qui le pousse finalement à intervenir, ce n’est pas tant l’intérêt de Sophie que le désir de relâcher sa propre tension. Sophie le sent et interprète son feed-back comme un jugement. Ne se sentant plus accueillie et comprise, elle se ferme et change de sujet. Tout est à recommencer.
Des exercices pratiques pour s’améliorer
L’une des plus grandes forces de la Clarification c’est qu’elle ne se contente pas de diagnostiquer un problème. Elle cherche toujours à y apporter des solutions concrètes et efficaces. Dans le cas qui nous occupe, la Clarification propose par exemple de nombreux exercices d’entraînement au contact. Pratiqués en binôme, ils permettent dans un premier temps de développer la conscience de soi avant de s’ouvrir à l’autre.
Jean-Christophe Vidal
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